Implantée sur le territoire depuis plus de 30 ans, nous, membres de Radio Campus Grenoble, tenons à vous faire part de la sidération que provoque la découverte de la proposition de Loi de Finances 2025, et qui à long terme impacterait sérieusement le fonctionnement des radios associatives dont la nôtre.
Le Projet de Loi de Finances 2025, présenté par le Gouvernement, annonce une réduction de 35 % du Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER). Cette baisse, inscrite dans le cadre du plan d’économies souhaité par le Premier Ministre et son Gouvernement, n’est pas une simple coupe budgétaire. Elle touche de plein fouet un secteur vital pour l’expression démocratique et culturelle de notre pays : les radios associatives. Présentes sur tout le territoire, nos radios jouent pourtant un rôle fondamental (770 radios associatives quadrillent le territoire, en majorité en milieu rural/péri urbain):
Elles assurent un lien de proximité avec les citoyens créant du lien social, elles favorisent la diversité des opinions, elles donnent la parole à ceux qui en sont souvent privés, elles ouvrent leurs micros aux acteurs locaux pour informer les habitants d’une dynamique et du développement de leur territoire..
Les radios associatives ne doivent pas porter le poids des économies imposées à la Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles (DGMIC). Sur les 12 millions d’euros d’économies demandées, 10,4 millions d’euros seront entièrement supportés par les radios locales associatives, alors que ces dernières ne représentent que 4 % de l’enveloppe budgétaire globale dédiée à la Mission Médias, Livre et Industries Culturelles.
Ce choix interroge sur la priorité accordée à nos radios, qui sont pourtant des piliers essentiels de notre démocratie. Les radios associatives sont un outil d’inclusion sociale et culturelle, un vecteur de cohésion, qui a toujours su évoluer avec peu de moyens. Pourtant, aujourd’hui, c’est l’ensemble de notre modèle qui est mis en péril. Les conséquences de ce couperet net dans le fonctionnement économique des radios associatives seront sans appel : impact direct sur l’emploi, alors même que nous sommes le deuxième employeur du secteur radiophonique (plus de 3000 emplois directs). Plus largement, c’est l’existence même de nos radios qui est menacée.
En 2023, à Radio Campus Grenoble, la subvention du FSER représentait 57% de ses ressources annuelles et ce, malgré une hausse de la diversification de ses revenus et en particulier des ressources propres (prestations, formations…).
Dans l’écosystème local, et depuis 1993, Radio Campus Grenoble représente:
- Un projet collectif porté par des bénévoles
Radio Campus Grenoble est portée par une équipe de plus de 80 bénévoles, lycéens, étudiants, actifs, retraités, 3 salariés et 2 volontaires en service civique. L’entièreté des contenus sont produits par les bénévoles, accompagnés dans l’expérimentation et le développement de leurs pratiques radiophoniques tout au long de l’année. Notre radio est un lieu de vie, ouvert à tous et toutes. Chaque jour dans nos locaux, on y fait cité : les enjeux et défis contemporains se questionnent, se réfléchissent et s’argumentent ensemble, en amont des émissions puis avec nos invités.
- Un levier pour l’expression citoyenne dans l’espace public, celui des ondes
Le micro est un outil de prise de parole, de rencontre et d’écoute irremplaçable. Dans nos projets d’ateliers radio, nous souhaitons que tous, quelles que soient leurs positions sociales, puissent s’emparer des micros, et notamment les personnes ou groupes peu entendus dans l’espace public et médiatique. Nous fabriquons ainsi des émissions avec des habitants de quartiers populaires, des personnes en soins psychiatriques, des jeunes en insertion, des personnes en situation d’exil (France Horizon, Mission Locale), des étudiant.e.s (UGA), des jeunes (MJC les Eaux Claires), des scolaires.
- Faire découvrir et soutenir le tissu associatif, social, culturel et les artistes du territoire, faire rayonner la recherche scientifique
Radio Campus participe au maillage du tissu associatif, culturel et artistique de l’agglomération dont il se fait le porte voix. Nous accueillons dans nos studios de nombreuses associations, des artistes émergents, des chercheurs, des auteurs, des libraires etc. Nous participons à des événements, autour d’animation de table ronde et de captation/diffusion, en lien avec des salles comme Plege/le Ciel, l’Hexagone, la Belle Electrique, la Bobine, des festivals comme Vues d’en face, Parallel Jam, Holocène, La poésie est une oreille, des événements organisés par des collectivités territoriales (Biennale des Villes en transition, Cabaret Frappé, Printemps du Livre, Fête de la Résistance) à des mobilisations citoyennes comme l’Alternatiba Tour ou la Marche des Fiertés.
Depuis 2002, nous avons dû faire face à une augmentation sans précédent des charges d’exploitation, tout en subissant la disparition progressive des emplois aidés.
Malgré cela, nous n’avons jamais renoncé à notre mission de service public, ni bénéficié d’une augmentation de l’aide individuelle à l’exploitation de nos radios. En s’attaquant à l’un des secteurs les plus vulnérables et économiquement modestes, le Gouvernement semble renier ses propres engagements en faveur de la diversité et de la proximité. Nos radios, qui sont un pilier indispensable de la démocratie locale et de la vie culturelle, se retrouvent aujourd’hui gravement menacées par cette décision, dans un contexte déjà difficile.
Nous appelons à la mobilisation et nous enjoignons les élus locaux, les parlementaires, le gouvernement, le secteur de la radio (privée et publique) ainsi que l’ensemble du monde de la culture et des médias à prendre conscience des répercussions désastreuses que cette mesure pourrait engendrer.
Nos radios, et à travers elles la voix de milliers de citoyens, méritent mieux que l’abandon auquel ce projet de loi les condamne.